von Plessen, Otto BREV TIL: Bluhme, Christian Albrecht FRA: von Plessen, Otto (1865-01-05?)

Baron O. Plessen, Gesandt i St. Petersborg, til Udenrigsminister Bluhme.
St. Pétersbourg, 17/5 janvier 1865.

Monsieur le Président du Conseil.

J’ai touché avec le Vice-Chancelier le sujet dont traite le rapport de M. de Vind Nr. 1 du 7/25 dr. 1) — les insinuations confidentielles dont le chargé d’affaires de France a fait part au Vice-Chancelier relativement à une solution autre que celle obtenue par la paix conclue entre nous et les principales puissances allemandes.

Le prince Gortchacow ne semble pas regarder ces confidences du cabinet de Paris comme étant très-sérieuses. Il est disposé à les envisager comme un »ballon d’essai« destiné, si le moyen s’en offre, à combiner des avantages pour la France.

Le Vice-Chancelier me dit qu’il lui était impossible des. 9prendre une initiative, de se mettre en avant dans la direction indiquée par les confidences françaises. En effet, si l’on comprend que l’Empereur des Français issu du suffrage universel, Se trouvant à la tête d’un Empire, composé d’éléments homogènes Se fasse le champion du principe des nationalités, on doit aussi comprendre que la Russie, une agglomération de diverses nationalités, qu’elle ne maintient qu’en les étreignant, ne puisse pas, ni ne veuille invoquer un principe qui pour elle est antivital.

Ceci posé, je crois que le Vice-Chancelier est tout à fait dans le vrai, quand il me dit que l’Empereur favoriserait avec plaisir une combinaison, si elle se présentait, qui fît au Roi de meilleures conditions que celles que n’accorde à Sa Majesté la paix de Vienne.

Une telle combinaison — si l’on fait abstraction des modifications que des guerres peuvent apporter dans les conditions territoriales, peut se présenter dans le cours de débats qui se poursuivent au sujet du sort futur des duchés. Si la Prusse parvient à s’annexer les duchés, la Russie mettra, peut-être, comme prix de son adhésion à cette annexion, la condition de la restitution au Roi de la partie septentrionale du Slesvig.

La Russie probablement, dans ce cas, verrait dans la restitution un acte de justice et d’équité qui aux yeux du cabinet de Paris revêtirait la forme du principe que ce cabinet a cherché à faire prévaloir à Londres aux conférences.

J’ai dit au prince Gortchacow le mot de M. de Bismark dont j’ai fait part à Votre Excellence, d’après lequel ce Ministre, à son retour de Biarritz, aurait dit à l’Empereur des Français: »mes projets sur les duchés échouent à l’honêteté du Roi!« Le Vice-Chancelier m’a cité un autre mot de M. de Rismark contenant tout le contraire. Il aurait dit, à l’époque des adresses circulant en Prusse pour demander l’annexion des duchés, — »qu’il était le seul à ne pas vouloir l’annexion«.

s. 10Quoi qu’il en soit de ces deux propos si contraires l’un à l’autre, sans être devin, l’on peut se dire que M. de Bismark tâchera de tirer de la situation tout l’avantage possible pour son pays, qu’il est homme à le faire, le courage ne lui manquant pas, mais qu’à l’heure qu’il est, il ne sait pas jusqu’où les circonstances lui permettront de pousser les choses.

Avant la guerre, il m’est arrivé de m’être fait l’avocat d’une entente entre nous et la Prusse.

Sous les aspects, sous lesquels je vois actuellement les choses, s’il m’est permis d’exprimer respectueusement mon avis, il serait de ne pas négliger M. de Bismark, de favoriser même peut-être les projets qu’il doit nécessairement poursuivre comme le moyen offrant le plus de chances à améliorer notre situation. Pour corroborer cet avis, je citerai ce que m’a dit M. de Roggenbach, le Ministre badois. Celui-là, connaissant bien le dessous des cartes m’a assuré que l’opinion personnelle de M. de Bismark avait été de nous laisser par le traité de paix la partie septentrionale de Slesvig, mais que le Roi de Prusse, en considération des sacrifices portés, du sang versé, avait tenu à la cession des duchés en entier.

O. Plessen.