Moltke-Hvitfeldt, Gebhard Léon BREV TIL: Frijs, Christian Emil Krag-Juel-Vind FRA: Moltke-Hvitfeldt, Gebhard Léon (1865-12-20)

Grev Moltke-Hvitfeldt, Gesandt i Paris, til Udenrigsminister Grev Frijs.
Paris, 20 décembre 1865.

Monsieur le Comte!

Ayant passé la soirée, il y a quelques jours, au ministère des Affaires étrangères, j’ai demandé à M. Drouyn de Lhuys une entrevue qu’il m’a accordée hier et j’ai profité des. 97cette circonstance pour lui exposer les motifs qui ont décidé le Roi, mon Auguste Souverain, à accepter la démission du cabinet présidé par Son Excellence M. Bluhme. — J’ai appuyé sur ce fait que la politique extérieure avait été complétement étrangére au changement de ministère et j’ai ajouté que Votre Excellence m’avait expressément chargé de lui donner l’assurance qu’Elle continuerait à suivre les principes qui avaient prévalu jusqu’ici. Afin de donner plus de poids à ces paroles, j’ai donné lecture à M. le Ministre des Affaires étrangères de la dépêche que Votre Excellence a bien voulu m’adresser en date du 13 novembre dernier.

M. Drouyn de Lhuys accueillit avec satisfaction la communication de ce document et me dit alors qu’il regrettait seulement que la France dont les sentiments d’amitié pour le Danemark resteraient toujours les mêmes, n’eut pas des moyens d’actions plus puissants à faire valoir en notre faveur dans l’affaire des duchés. — D’ailleurs, poursuivit le ministre, cette question n’a pas avancé d’un seul pas pendant votre absence, elle est au contraire une de celles dont on ne voit pas la fin, car l’Autriche est à l’heure qu’il est, moins que jamais disposée à faire une concession quelconque à la Prusse. L’état provisoire actuel peut par conséquent durer indéfiniment, et il est plus difficile que jamais de préjuger par quelles phases la question est destinée à passer avant de recevoir une solution définitive.

La réserve dont était empreint, encore cette fois, le langage de M. Drouyn de Lhuys paraît d’ailleurs complètement justifiée par les circonstances. Toutes les personnes avec lesquelles j’ai causé depuis mon retour, sur la question des duchés, ont en effet exprimé le méme avis sur la situation. D’une part l’Autriche, satisfaite du succès inattendu qu’a eu ici l’émission de son emprunt, ne doutant pas, d’autre part, de parvenir à une entente intime avec la Hongrie, envisage l’avenir avec confiance se croyant plus forte qu’elle ne l’a été depuis longtemps; aussi regrette-t-elle ques. 98le tableau brillant qu’elle se fait de sa position soit obscurci par le souvenir des humiliations subies à Gastein, et est-elle fermement décidée à maintenir ses droits de co-possession sur les duchés. — Par contre la position de la Prusse se ressent tout naturellement des avantages acquis à l’Autriche; M. de Bismarck se trouve plus gêné dans les mouvements de sa politique et comprend qu’il n’est pas en son pouvoir de faire cesser un état provisoire qu’il n’a pas cherché ces derniers temps à modifier, quoiqu’en aient dit les journaux.

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II est facile à comprendre que le gouvernement de l’Empereur croit plus que jamais devoir conserver une attitude pleine de réserve en présence de la modification qu’a subie la situation respective des deux grandes puissances allemandes, modification qui, de l’avis de bien des personnes compétentes, pourrait bien toutefois n’être que passagère. . . .

Moltke-Hvitfeldt.

Modtaget 24. December 1865.