Vind, Carl Rudolph Emil BREV TIL: Frijs, Christian Emil Krag-Juel-Vind FRA: Vind, Carl Rudolph Emil (1866-08-29)

Kammerjunker Vind, Legationssekretær i St. Petersborg, til Udenrigsminister Grev Frijs.
St. Petersbourg, 29/17 août 1866.

Monsieur le Comte,

Le général Manteuffel a quitté Saint Pétersbourg vendredi dr. après un séjour d’environ 14 jours en même tems que le Ministre de Prusse, Cte Redern, qui vient d’obtenir un congé. Quoique le but de la mission du général ait été entouré d’un certain mystère, il me revient pourtant d’une source digne de foi que l’envoi de ce personnage a été provoqué par la cour de Russie même, à qui le rôle passif des. 291spectateur ne souriait pas. Le général devait expliquer la politique que suit le gouvernement prussien et, en même tems, adoucir les susceptibilités que cette politique ne pouvait pas manquer d’éveiller chez une cour si vivement intéressée par ces alliances de famille aux événements qui bouleversent l’Europe.

Quoi qu’il en soit, le fait est, et le prince Gortschacow ne le cache pas, que le gouvernement russe qui a vu échouer son projet de congrès, ne voit pas sans inquiétude la tournure que prennent les affaires de l’Allemagne à la suite de la dernière guerre et qu’il est loin d’approuver ce qui s’y passe. »On renverse, sans nous consulter, a dit l’autre jour le vice-chancelier à un diplomate étranger, les traités que nous avons tous signés. Chacun agit pour soi, selon ses convenances; à l’avenir nous ferons la même chose«.

On m’a assuré que l’Empereur s’est exprimé dans le même sens au général Manteuffel. Ce général qui a assisté aux manoeuvres de Krasnoe Zelo y a trouvé l’occasion de causer avec le Ministre de Suède et de Norvège, le général Björnstjerna, sur les affaires du Slesvig. Il n’a pas caché son mécontentement de l’article des préliminaires de paix qui stipule la rétrocession d’une partie du Slesvig, en exprimant au général Björnstjerna l’espoir que le gouvernement suédois n’encourageât pas les aspirations du Danemark à cet égard. Selon lui les habitants du pays ne désirent pas de retourner au Danemark, pour qui la cession ne serait qu’un embarras pour l’avenir. »Il n’y a que deux endroits dans le Slesvig, où il y a des Danois, a dit le général Manteuffel au Ministre de Suède, c’est à Duppel et à Alsen, et cela nous ne céderons certes pas.« — Si cela dépendait de lui, pas un pouce de terrain ne serait cédé. Ceci correspond parfaitement avec les discours tenus par le général pendant son séjour dans le Slesvig. — Il est vrai que le général, dans le même entretien, a prétendu être l’homme le plus populaires. 292dans le Slesvig, basant cette prétention sur une démonstration faite à Hadersleben par une députation d’Allemands.

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Le général Björnstjerna a été reçu vendredi dr. par le prince Gortchacow à qui il a communiqué une dépêche du comte Manderström qui parle chaleureusement notre cause relativement à un élargissement de frontière, dans un sens conforme aux voeux du gouvernement du Roi. A Berlin le Ministre de Suède et de Norvège avait été également chargé de communiquer au comte Bismark les vues de son gouvernement dans un sens analogue. La ligne de Flensbourg— Tønder y est proposée comme ligne de partage équitable et conforme aux intérêts de l’Allemagne comme à ceux du Danemark.

Ce matin j’ai trouvé l’occasion de voir le prince Gortchacow à Peterhof. Ayant expliqué au prince les inquiétudes du gouvernement du Roi relativement à la mise en exécution du vote populaire projeté dans le Slesvig, le vice-chancelier m’a répondu que, sachant comment ces votes s’arrangent facilement au gré de celui qui les met en scène, il était personnellement contre ce système et n’en pouvait pas avoir une grande confiance dans le résultat. Sa conviction personnelle était que les aspirations du gouvernement du Roi ne seraient pas satisfaites. Il avait parlé notre cause au général Manteuffel mais l’avait trouvé intraitable à ce sujet. Il est vrai, a ajouté le prince, que les opinions du général Manteuffel ne sont pas toutes d’accord avec celles du cabinet de Berlin. Une cession de l’île d’Alsen et de Flensbourg est regardée par le prince Gortchacow comme peu probable, sinon impossible. J’ai prié le vice-chancelier d’exercer son influence qui s’était montré si efficace quant aux deux pays de Wurtemberg et de Hesse-Darmstadt, en notre faveur et surtout en faveur d’une exécution loyale et impartiale du vote projeté, en ajoutant que mes renseignemens portaient que la disposition des habitants du Slesvig pour une réunion au Danemark était des meilleures. »Vouss. 293ne pouvez pas douter de l’intérêt que nous vous portons, m’a répondu le prince, mais j’aime mieux vous le dire franchement, je n’ai pas grand espoir de pouvoir vous être utile à tel point que le désire le gouvernement du Roi.« L’Ambassadeur de France, le baron de Talleyrand, avec qui j’ai eu plusieurs entretiens à ce même sujet, partage l’avis du vice-chancelier. Ayant avancé au baron de Talleyrand que je trouvai que le gouvernement français qui avait bien voulu s’intéresser à la cause du Danemark au point de provoquer l’application d’un vote populaire, devait étendre cet intérêt jusqu’à l’exécution même du vote, l’ambassadeur m’a répondu que c’était au gouvernement du Roi de prendre des mesures et de contrôler la manière dont on le mettrait en exécution. . . .

E. Vind.

Modtaget 4. September 1866.