Moltke-Hvitfeldt, Gebhard Léon BREV TIL: Frijs, Christian Emil Krag-Juel-Vind FRA: Moltke-Hvitfeldt, Gebhard Léon (1869-12-06)

Grev Moltke-Hvitfeldt, Gesandt i Paris, til Udenrigsminister Grev Frijs.
Paris, 6 décembre 1869.

Monsieur le Comte,

J’ai exactement reçu le télégramme que Votre Excellence m’a fait l’honneur de m’adresser le 2 du courant ainsi ques. 301sa dépêche de la même date qui m’est parvenue hier dimanche. 1)

Afin d’être à même de pouvoir mander promptement à Votre Excellence les renseignements qu’Elle me demande sur la situation créée par la démarche officieuse faite dernièrement par le général Fleury à Petersbourg, j’ai demandé hier un entretien à M. le ministre des Affaires étrangères.

Aussitôt introduit auprès du prince, je lui ai exposé les motifs qui m’amenaient. Je viens de recevoir, dis-je à Son Excellence, une dépêche de Copenhague m’annonçant qu’à la suite d’une démarche officieuse qu’a faite le général Fleury auprès du cabinet de St. Petersbourg tendant à chercher à obtenir une solution de la question du Slesvig du Nord, l’Empereur Alexandre a écrit à ce sujet au Roi Guillaume. Le gouvernement du roi est naturellement très reconnaissant à l’Empereur Napoléon et à Son gouvernement de la sympathie qu’il n’a cessé de lui témoigner dans cette question mais il lui semble absolument nécessaire que vous, mon Prince, connaissiez exactement la manière de voir du gouvernement danois en ce qui concerne une solution future. C’est pourquoi, ajoutai-je, il m’a été enjoint de vous éclairer sur ce point capital. La bienveillance constante du gouvernement impérial nous garantit en effet qu’il ne voudrait point avoir contribué, fût ce dans la moindre mesure, à ce que le Danemark fût mis en présence de deux alternatives également douloureuses: ou de se prêter à un arrangement qui en ne rendant à la mère patrie qu’une partie du Slesvig danois nous forcerait à renoncer à nos espérances les plus chères et sacrifierait des intérêts vitaux pour le pays tout entier ou de refuser ce que plusieurs puissances, parmi lesquelles se trouveraient celles qui nous ont toujours témoigné de la bienveillance, nous proposent, refus, qui pourrait avoir pour conséquence que l’article V fût annulé.

s. 302M. le prince de La Tour d’Auvergne m’arrêta et me répondit: permettez moi de vous interrompre. J’apprécie parfaitement les motifs pour lesquels votre gouvernement tient à ce que je sois bien au fait de sa manière de voir, et il est évident que si un jour il est sérieusement question d’une solution de l’affaire qui nous occupe le gouvernement de l’Empereur tiendra essentiellement compte de vos aspirations et de vos désirs. Mais nous n’en sommes pas là. Le général Fleury a agi sans instructions, je ne lui en ai donné aucune. Avant son départ il a vu l’Empereur, lui a parlé de l’affaire du Slesvig, et Sa Majesté dont vous connaissez les sympathies à l’égard de votre pays lui a dit que certainement Elle serait très-heureuse de voir cette question résolue. Le général Fleury a peut-être jugé la question plutôt en militaire qu’en diplomate, et il a pu croire qu’elle était plus facile à résoudre qu’elle ne l’est réellement. Il s’est un peu trop avancé, car je crains que ce qui vient de se passer à St. Petersbourg et qui a déjà éveillé des susceptibilités ailleurs, ne soit d’aucune utilité pour vous.

L. Moltke-Hvitfeldt.

Depeche Nr. 68, modtaget 9. December 1869.