Moltke-Hvitfeldt, Gebhard Léon BREV TIL: Frijs, Christian Emil Krag-Juel-Vind FRA: Moltke-Hvitfeldt, Gebhard Léon (1869-12-20)

Grev Moltke-Hvitfeldt, Gesandt i Paris, til Udenrigsminister Grev Frijs.
Paris, 20 décembre 1869.

Monsieur le Comte,

Dans la dépêche que Votre Excellence m’a fait l’honneur de m’adresser en date du 14 de ce mois, 1) Elle me dit que, dans sa dernière conversation avec M. de Vind, le prince Gortchakoff s’est appliqué à nous prémunir contre toute illusion que pourrait faire naître l’envoi de la récente lettre de l’Empereur Alexandre au Roi de Prusse. Cette appréciation a été, ainsi que je l’ai déjà mandè à Votre Excellence, dès le premier moment celle du prince de La Tour d’Auvergne. Il y a quelques jours encore, avant que je n’eusse reçu la dernière dépêche de Votre Excellence, le Ministre m’a répété, dans un salon où nous nous sommes rencontrés, que la démarche faite auprès du Roi Guillaume n’aurait pas de suites.

Dans le courant de la conversation que j’ai eue dans le temps avec le prince de La Tour d’Auvergne et dont j’ai rendu compte à Votre Excellence dans mon très-humble rapport Nr. 68 du 6 du courant, 2) ce ministre a dit que la démarche du général Fleury à Petersbourg avait éveillé des susceptibilités ailleurs. Evidemment ces susceptibilités ne sauraient, ainsi que l’écrit Votre Excellence, s’adresser à nous; aussi je pense que M. le Ministre des Affaires étrangères a voulu dire que le cabinet de Berlin a vu dans la démarche de l’Ambassadeur de France à Petersbourg un indice de l’intention qu’aurait le gouvernement impérial de s’écarter de la réserve qu’il s’est imposée ces derniers temps en tout ce qui touche à la politique extérieure. On comprend qu’à Berlin où l’on ignorait que le général Fleury eût agi sans instructions, on ait porté sur le fait en question un jugement erroné s. 338— je dis erroné attendu que l’on peut affirmer presque avec certitude que l’Empereur et Son Gouvernement, qui se trouvent actuellement aux prises avec les difficultés les plus graves, ont toute leur attention tournée du côté des affaires intérieures. — Dans ces circonstances, désirant la paix nécessaire, comme le dit Votre Excellence dans sa dépêche du 2 décembre, 1) à l’exécution des réformes intérieures, le gouvernement impérial doit naturellement chercher à éviter tout ce qui pourrait le mettre en suspicion auprès d’un autre gouvernement. De là, cette crainte de se compromettre qui se manifeste si ouvertement et le peu de satisfaction qu’on a éprouvé ici en apprenant la démarche du général Fleury.

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Dans sa dépêche du 14 de ce mois, 2) Votre Excellence m’écrit qu’il eût été plus prudent que je n’admette pas devant le prince de La Tour d’Auvergne qu’un refus de notre part d’accepter une solution insuffisante pourrait avoir pour conséquence l’annulation de l’article V; Elle ajoute qu’Elle espère que le prince n’aura pas compris mes paroles comme un aveu de notre part qu’un tel procédé serait juste et loyal à notre égard. Que Votre Excellence me permette de Lui dire à cet égard qu’en mentionnant la double alternative en présence de laquelle nous pourrions éventuellement nous trouver placés, je n’ai pas omis de relever combien elles étaient toutes deux injustes. Ma conversation avec M. de La Tour d’Auvergne était d’ailleurs toute confidentielle, et je savais de longue date que les sympathies de mon interlocuteur nous étaient acquises. Je pouvais donc être sûr que mes paroles ne seraient en aucun cas interprétées dans un sens défavorable. Je regrette toutefois vivement qu’ayant adressé mon rapport fort à la hâte au moment du départ de la poste, je n’aie pas mandé à Votre Excellence au sujet de ma conversation avec le Ministre, des détails dont l’omission a fait s. 339naître chez Votre Excellence des craintes que je suis heureux de pouvoir dissiper.

L. Moltke-Hvitfeldt.

Depeche Nr. 74, modtaget 28. December 1869.