Rosenørn-Lehn, Otto Ditlev BREV TIL: Vind, Carl Rudolph Emil FRA: Rosenørn-Lehn, Otto Ditlev (1870-08-02)

Udenrigsminister Baron Rosenørn-Lehn til Kammerherre Vind, Gesandt i
St. Petersborg
.
Confidentielle.
Copenhague, 2 août 1870.

Monsieur.

Comme je pouvais m’y attendre après ce que vous m’aviez déjà fait pressentir par votre dépêche Nr. 26, 2) M. de Mohrenheims. 605vient de me communiquer une dépêche de son gouvernement, dans laquelle M. de Westmann nous engage vivement à maintenir une stricte neutralité pendant la guerre actuelle.

Je vous prie de remercier M. de Westmann de cette nouvelle preuve de la sollicitude, avec laquelle le cabinet de St. Pétersbourg embrasse nos affaires et s’intéresse à la sécurité du Danemark dans les circonstances difficiles, où nous nous trouvons, et nous sommes reconnaissans des démarches, qu’il a faites à Berlin et à Paris pour déterminer ces gouvernemens à respecter notre neutralité. Je conviens toutefois que j’aurais préféré que M. de M. eût attendu la résolution de S. M. le Roi sur la neutralité avant que de la déclarer pour notre compte et qu’il n’eût engagé son gouvt. à faire des démarches à Berlin et à Paris qu’après y avoir été invité de ma part. Vous avez sans doute déjà reçu ma dépêche, qui vous fait connaître le texte de la réponse, donnée à la Prusse, et je peux ajouter que d’après les rapports de M. de Quaade, le comte de Bismarck a accueilli favorablement notre déclaration. Ainsi nous avons agi dans le sens, recommandé par le cabinet de St. Pétersbourg en répondant à la Prusse comme nous venons de le faire.

Mais je ne vous dissimule pas, que j’eusse vivement désiré, que les gouvernemens qui s’attachent à circonscrire la lutte actuelle autant que possible, se fussent attachés à rendre la tâche du gouvt. danois moins difficile, en employant leurs bons offices à Berlin pour mettre fin au seul différend qui nous sépare de la Prusse. S’il est vrai, qu’aucun gouvernement ne peut faire abstraction de l’opinion publique de son pays, et surtout dans un état constitutionnel, où l’opinion du peuple politique a un droit légal de se faire valoir, il deviendra doublement difficile pour le gouvt. danois de ne pas tenir compte d’une opinion publique, devant laquelle se dressent tous les souvenirs de l’indigne attaque de la Prusse en 1863 et de la perfidie de M. de Bismarck depuis 1866, ens. 606même temps qu’elle a une confiance peut-être exagérée dans les armes françaises et qu’elle se flatte de l’espoir que le concours du Danemark pourrait contribuer dans une certaine mesure à décider le résultat. Et dans cet état de choses que fait la Prusse? Au lieu de nous aider à calmer les esprits et au lieu de se concilier les suffrages de l’Europe, en faisant enfin honneur à sa parole sollenellement donnée, M. de Bismarck a pris l’initiative pour dire à M. Quaade, que non seulement les difficultés qui l’avaient empêché d’exécuter l’art. V de la paix de Prague, subsistaient toujours, mais qu’il ne pourrait pas même donner des promesses pour ce qui se ferait après une paix favorable à la Prusse. C’est un langage qui ne manque pas de franchise et en même temps le gouvt. prussien fait arrêter le représentant du Nordslesvig, Krüger, sans aucun autre prétexte que celui-ci, qu’il se serait prononcé assez librement au sein du conseil général de son district.

Je vous prie de ne pas laisser ignorer au gouvt. imp. cette conduite de la Prusse et ces considérations. Nous avons déclaré notre neutralité avec toute la bonne foi que nous aimons à mettre toujours dans nos actions, mais il faut pour nous alléger notre tâche ardue, que nous rencontrions de la part de la Prusse une loyauté analogue et de la part des puissances qui s’intéressent au sort du Danemark, les égards dûs à notre droit et aux exigences de notre position.

Koncept med. P. Vedels Haand til Depeche Nr. 9.