Moltke-Hvitfeldt, Gebhard Léon BREV TIL: Rosenørn-Lehn, Otto Ditlev FRA: Moltke-Hvitfeldt, Gebhard Léon (1870-06-04)

Grev Moltke-Hvitfeldt, Gesandt i Paris, til Udenrigsminister Baron Rosenørn-Lehn.
Paris, 4 juin 1870.

Monsieur le Baron,

J’ai profité d’un entretien que j’ai eu avant hier avec monsieur le Ministre des Affaires étrangères pour aborder la question du Nord-Slesvic qui lui est naturellement parfaitement connue. Désirant pouvoir faire connaître à Votre Excellence dans quel sens M. le duc de Gramont s’exprime dans cette question depuis que le portefeuille des Affaires étrangères lui est confié, je lui ai demandé si l’on était à ce sujet toujours dans les mêmes dispositions à Berlin ou plutôt si l’absence de toutes dispositions y était encore la même. »Assurément«, me répondit le duc, »et vous pouvez être certain que la Prusse n’exécutera jamais bénévolement l’article 5 conformément à l’esprit dans lequel il est conçu. Aucune influence n’amènera de résultat dans cette question, pas même celle de l’Empereur Alexandre qui, comme vous le savez, a cherché à se faire valoir à la suite de la démarche fort inopportune du général Fleury cet hiver. La question de l’exécution de l’article 5 est inabordable présentement, elle ne pourra être résolue que lorsqu’un jour la situation de l’Europe se modifiera.«

Ayant fait connaître à monsieur de Gramont dans quels termes s’étaient successivement exprimés vis à vis de moi, à l’égard de cette question, M. le comte Daru et monsieur Emile Ollivier et lui ayant dit que j’avais souvent été étonné de ce que monsieur de Bismarck n’ait pas voulu écarter cette épée de Damoclès pouvant menacer d’un instant à l’autre la paix de l’Europe, M. le Ministre me répondit: »Je suis parfaitement de votre avis, l’inexécution de l’article 5 est, comme vous le dites, une épée de Damoclès pour la Prusse; aussi vous n’ignorez pas et on ne doit pas ignorer à Copenhague que nous ne pouvons désirer bien vivement la solution de cette question. Elle est de celles qui ne meurents. 448pas et je crois qu’il est infiniment plus avantageux pour le Danemark que les pourparlers avec la Prusse soient suspendus que si cette puissance vous avait posé une sorte d’ultimatum que vous n’auriez probablement pas pu accepter.«

J’ai cru devoir exprimer à M. le duc de Gramont, ainsi que je l’avais fait dans le temps à monsieur Daru mes regrets de voir que le gouvernement impérial ne considérait pas la solution de la question du Nord-Slesvic comme étant conforme aux intérêts de sa politique; car pour le Danemark, dis-je au duc, cette solution est d’une importance vitale.

En émettant l’avis que la solution de la question qui nous intéresse si directement est subordonnée à une modification de la situation de l’Europe, il semble probable que la pensée de M. le duc de Gramont s’est portée sur la nécessité de l’existence de certaines conditions pouvant autoriser l’espoir d’exercer avec succès une pression à Berlin. Ces conditions existeraient en deux cas: si l’on avait ici l’assurance certaine qu’en cas de conflit, on put compter sur la neutralité de la Russie, ou si la situation de l’Autriche se développait de manière à ce qu’il fût permis d’espérer qu’au jour de l’action la coopération de cette puissance serait un poids réel jeté dans la balance. — Jusqu’ici malheureusement un tel espoir ne serait pas justifié.

L. Moltke-Hvitfeldt.

Depeche Nr. 43.