Vind, Carl Rudolph Emil BREV TIL: Rosenørn-Lehn, Otto Ditlev FRA: Vind, Carl Rudolph Emil (1870-08-13)

Kammerherre Vind, Gesandt i St. Petersborg, til Udenrigsminister Baron Rosenørn-Lehn.
St. Pétersbourg, 13/Ier août 1870.

Monsieur le Baron,

J’ai eu l’honneur de recevoir le 10 d. c. via Suède la dépêche confidentielle Nr. 9 en date du 2 août. 1) J’ai été d’autant plus content de recevoir l’avis de Votre Excellence sur notre position vis-à-vis de la Prusse, que déjà plusieurs fois j’avais eu l’occasion de me prononcer dans ce même sens à M. de Westmann, en lui demandant pourquoi le cabinet russe, puisqu’il tient tant à l’observation de la neutralité du Danemark, n’engage pas le gouvernement prussien à venir au devant de nous à cette occasion, ce qui faciliterait singulièrement la position du gouvernement du Roi. M. de Westmann m’a dit d’en avoir parlé avec le prince de Reuss, mais que celui-ci avait répondu alors (c’était à Peterhof) qu’il était trop tard d’en parler à Berlin. M. de Westmann n’avait pas admis cela et avait demandé même au prince de Reuss, pourquoi le cabinet de Berlin ne ferait pas une ouverture à cet effet à M. de Quaade à Berlin; mais l’affaire en était restée là.

Le prince Gortchacow m’a assuré d’en avoir parlé lors de son séjour récent à Berlin au Prince Royal de Prusse et à la Reine de Prusse en disant combien il aurait été désirable pour la Prusse d’avoir fini son différend avec nous avant l’explosion de la guerre et faisant observer les avantages que la France aurait eu en choisissant pour prétexte de guerre cette question au lieu de la candidature du prince de Hohenzollern, Son Excellence avait cependant rencontré toujours les mêmes objections. La Reine de Prusse, me dit le prince, lui avait raconté que des adresses des villes du Slesvig du Nord venaient d’être envoyées au Roi de Prusse, dans lesquelles on suppliait le Roi de ne rien céder au Danemark dus. 662Slesvig. Il n’était pas difficile de citer au prince en opposition de ces adresses allemandes, l’existence des adresses des nombreux Danois du Slesvig demandant l’exécution de l’art. 5 mais repoussées l’année passée par le Roi de Prusse. J’ai mentionné au Chancelier la réponse récente de M. de Bismarck à M. de Quaade relativement à l’art. V. Le prince m’a paru étonné de cette réponse; mais m’a dit qu’il n’y attachait pas une grande importance, la guerre ayant changé la face des choses.

Je me suis permis d’avertir par voie télégraphique Votre Excellence du projet anglais, communiqué ici relatif à la position des états neutres. Le prince Gortchacow m’a fait lire le télégramme anglais contenant cette proposition. Elle a pour but d’établir une entente entre les quatre grandes puissances: l’Angleterre, la Russie, l’Autriche et l’Italie à l’effet de sauvegarder la neutralité des états non-belligérants. Plus tard les états de second ordre seront invités à s’y joindre. On s’engagera mutuellement à ne pas sortir de la neutralité sans en avertir les autres états neutres. — L’Angleterre avait déjà auparavant formulé un projet dans le même sens mais ayant pour but seulement de sauvegarder la neutralité de la Belgique. Le cabinet russe, m’a dit le prince, a refusé de s’y joindre parce qu’il n’y fut pas question des autres petits états neutres notamment du Danemark. Le prince ajouta qu’il trouve la grande solicitude de l’Angleterre pour la Belgique exagérée et inutile, la Belgique ne courant, selon lui, aucun risque. Le prince Gortchacow disait que l’idée du projet anglais était due à S. M. l’Empereur mais qu’il en cédait volontiers l’honneur de l’initiative à l’Angleterre. L’importance d’une telle entente entre les puissances neutres dans la crise actuelle surtout pour les petits états n’est pas douteuse. Cependant, pour en obtenir un résultat satisfaisant il faudrait qu’elle aboutisse à une entente plus large qui, ne se bornant pas à vouloir localiser la guerre, embrasserait aussi le rétablissement définitif de la paix sur dess. 663bases solides et durables. J’ai lieu de croire qu’il y a déjà question de cette idée qui cependant ne pourra être mise en exécution qu’après quelque fait décisif sur le théâtre de la guerre. . . .

E. Vind.

Depeche Nr. 31.