Rosenørn-Lehn, Otto Ditlev BREV TIL: Quaade, George Joachim FRA: Rosenørn-Lehn, Otto Ditlev (1874-09-18)

Udenrigsminister Baron Rosenørn-Lehn til Kammerherre Quaade, Gesandt i Berlin.
Copenhague, 18 septembre 1874.

Il vous sera connu que depuis quelque temps les autorités locales du Slesvic procèdent avec une rigueur extrême envers les sujets du Roi domiciliés dans le Duché. Plusieurs de ces derniers ont même été subitement expulsés du pays, et comme nous cherchons en vain à nous expliquer cette mesure extraordinaire par laquelle des sujets danois ont été privés de leurs moyens d’existence et enlevés du milieu social où ils vivaient, je vous engage, monsieur, d’ordre du Roi, à vous entretenir sans délai à ce sujet avec M. le secrétaire d’état pour les affaires étrangéres. 2)

Je ne m’occuperai pas ici du principe d’aprés lequel tout état, en vertu de sa souveraineté, possèderait le droit d’expulser de son territoire les étrangers dont la présence lui paraîtrait inopportune; car quelle que soit l’étendue que l’on veut donner à ce principe, je suis sûr que M. le secrétaire s. 298d’état reconnaîtra volontiers que l’esprit des traités et les rapports amicaux entre les états demandent que les sujets de l’un ne soient expulsés de l’autre qu’en vertu de raisons concluantes.

Or, le système adopté en dernier lieu par les autorités du Slesvic, est-il de nature à raffermir les relations de bonne intelligence qui depuis quelque temps sont en voie de s’établir entre les populations du Danemark et de l’Empire Allemand? Répond-il au désir exprimé à plusieurs reprises, et à notre grande et sincère satisfaction, par le gouvernement de S. M. l’Empereur et Roi de faciliter de toute manière une bonne entente entre les deux pays et gouvernements voisins?

J’avoue à mon plus vif regret, que j’ai de la peine à répondre affirmativement à ces questions, lorsque je considère de plus près les cas d’expulsion qui jusqu’à présent ont été formellement portés à ma connaissance.

Il s’agit d’abord d’un individu, H. J. Jepsen de Branderup qui en s’adressant au ministère s’est référé à l’article annexe d’un journal slesvigois, 1) article qui selon lui contient un récit véridique et complet de son cas. Comme il en ressort, les autorités locales paraissent l’avoir expulsé pour le seul fait d’avoir assisté comme spectateur à une élection publique à Branderup. Je doute fort que cette conduite de sa part établisse véritablement une infraction à la loi, mais quand même il en fût autrement, un tribunal lui aurait infligé tout au plus une amende, tandisque l’autorité administrative l’a expulsé, en agravant d’ailleurs cet acte par la manière dont il a été exécuté.

Mais ensuite on a expulsé un certain nombre de typographes auxquels on a reproché d’avoir par leur travail dans une imprimerie, coopéré à la publication d’un journal qui paraît ouvertement et légalement dans le Duché. Je n’ai pas s. 299besoin de vous faire observer, monsieur, que si ces renseignements sont exacts, le procédé des autorités locales ne peut guéres être justifié par les circonstances. Si le journal contient des articles d’une tendance illégale, ce sont le rédacteur et l’auteur qui en sont responsables, mais nullement des ouvriers qui, la plupart du temps, ne connaissent pas même le contenu des articles qu’ils impriment en réunissant machinalement les caractères. Traduits pour cette coopération inconsciente devant un tribunal ils auraient sans aucun doute été absous, mais ici ils sont frappés d’une peine, beaucoup plus grande que celle dont il aurait pu être question devant un tribunal, et cela par le décret d’une autorité administrative locale.

Toutes ces pauvres gens qui se trouvent soudainement chassées de leurs foyers, se sont adressées au gouvernement pour qu’il intervienne en leur faveur, et je vous prie, monsieur, de soumettre les observations que je viens de faire à M. le secrétaire d’état des affaires étrangéres de l’Allemagne. J’aime à croire que les explications que vous lui donnerez ne resteront pas infructueuses et que la réponse que je recevrai sera dictée par ce même désir de voir s’améliorer de plus en plus les rapports entre les deux pays que le gouvernement impérial a bien voulu exprimer en d’autres circonstances et que nous partageons pleinement.

O. D. Rosenørn-Lehn.

Geheime Registraturen.